Revue du Web Rh du - 04/09/2012 - Capital.fr
Pour Françoise Gri, présidente de ManpowerGroup Europe du Sud, la seule façon de sécuriser sa carrière est d’admettre qu’elle est instable. Explications.
Management : Vous faites partie des rares
dirigeants français à être personnellement actifs sur le Web et sur Twitter…
Françoise Gri : Effectivement, contrairement aux Américains, nous sommes peu nombreux en France, avec les patrons de la Fnac, du Groupe Flo ou des assurances April notamment, à utiliser les réseaux sociaux. Dommage, car le Web 2.0 est une excellente façon de délivrer un message sans intermédiaire au public, à ses clients, voire à ses salariés, sans dépendre du rythme de l’actualité ni de la communication corporate. Attention, c’est un choix exigeant : il faut s’exprimer personnellement, donner de l’information utile et garder un ton libre. Sinon on n’est pas crédible. C’est également chronophage, et payant uniquement sur le long terme. Je passe presque une heure par jour à animer mon fil Twitter ou mon blog. Ce dernier, démarré en 2009, est désormais lu par 3 000 personnes chaque mois.
Management : Cette nouvelle façon de communiquer inspire-t-elle votre façon de manager ?
Françoise Gri : Oui, surtout depuis que j’ai pris la présidence de l’Europe du Sud, en janvier 2011. A l’international, travailler en mode collaboratif est crucial. Je ne crois plus au modèle centralisateur des grands groupes, où les filiales doivent exécuter une stratégie élaborée au siège. Les pays d’Europe du Sud, pour parler de mon territoire, vivent en ce moment de profonds bouleversements. J’ai donc besoin dans mes filiales de managers locaux qui agissent en véritables «intrapreneurs». L’essentiel est de bien les recruter : ils doivent avoir des valeurs solidement ancrées, en adéquation avec celles de l’entreprise. Ma tâche est ensuite de leur fournir des outils de partage des connaissances et de l’expérience.
Management : Les pays de votre périmètre sont effectivement en pleine crise, notamment sur le plan de l’emploi…
Françoise Gri : Les taux de chômage en Europe du Sud sont en effet deux à trois fois plus élevés qu’au Nord, une situation pire qu’avant l’introduction de l’euro. Au-delà des problèmes de faible mobilité du travail et de perte de compétitivité, cela montre que leurs modèles de contrat social n’étaient plus adaptés. Mais ils ont attendu d’être dos au mur pour les repenser.
Management : La situation ne semble pas plus simple en France : 1,6 million d’emplois à pourvoir et pourtant les
entreprises ont du mal à recruter…
Françoise Gri : Il y a toujours eu des secteurs – l’hôtellerie, le BTP – qui ont de gros besoins en recrutement mais peinent à trouver des candidats. Problème, la crise a généralisé ce décalage, qu’on appelle le «skill mismatch» : les compétences disponibles n’évoluent pas au rythme des besoins des entreprises. Dans l’industrie, toute une génération part à la retraite et les ouvriers très qualifiés deviennent une denrée rare. Facteur aggravant : le recrutement se fait de plus en plus tard, les entreprises attendant d’avoir signé des commandes fermes pour embaucher. Dans l’automobile, l’arrivée d’un intérimaire est actuellement programmée dix jours à l’avance – c’était encore trois semaines l’an dernier. Résultat : les entreprises n’anticipent plus leurs besoins de talents.